Quand il faut payer pour des actes…

Ce récit se fonde sur une réa­lité que le roman­cier évoque en intro­duc­tion. Depuis 1988, plus de 70 000 signa­le­ments de dis­pa­ri­tion ont été dres­sés par la police d’État de l’Alaska. La plu­part se trou­vait à proxi­mité d’une région qui forme le cœur pri­mi­tif et impi­toyable de l’État le plus reculé d’Amérique.

En 2019, le 15 mai, Paul Brady dis­pa­raît sans lais­ser de traces alors qu’il est en Alaska pour ten­ter de se remettre de ses trau­ma­tismes consé­cu­tifs à ses séjours en Irak, en Afgha­nis­tan.
C’est le 21 juin que Cas­san­dra Gale — Cas­sie — part avec Mave­rick, son ber­ger alle­mand, vers l’Alaska. Ancienne mili­taire, elle vit très mal la mort de Der­rick, il y a six mois. Alors qu’elle campe dans un lieu isolé, elle est aler­tée par son chien. Mais, elle ne peut faire face quand une sil­houette impo­sante lance près d’elle un objet qui dégage une brume brû­lante. Elle sombre.
Jim Gale, la soixan­taine, tient le gite du Whi­te­horse Ranch dans le Mon­tana avec sa fille aînée, son gendre et une équipe solide. Il reçoit un appel de la société l’avertissant que Cas­sie ne s’est pas pré­sen­tée comme prévu pour prendre son emploi de guide. Il com­mence à ques­tion­ner les auto­ri­tés locales de l’Alaska mais les réponses sont éva­sives, tardent tant, si bien qu’il décide d’aller sur place. Sa fille et son époux s’imposent dans le voyage. Sur place, ils trouvent un agent ivrogne qui va quand même les gui­der vers le cam­ping de Cas­sie. Mais, très vite, la situa­tion dérape car le passé de Jim Cale s’invite et celui-ci est par­ti­cu­liè­re­ment lourd…

C’est le récit d’une ven­geance à l’organisation peu com­mune. L’auteur met en scène une his­toire dyna­mique, alter­nant les dif­fé­rentes com­po­santes de l’intrigue. Il situe l’action aussi bien dans les pay­sages ruraux de l’Alaska, dans un ranch du Mon­tana que dans une base très dis­crète, dans le QG du Pré­sident que dans la chambre à cou­cher du tyran russe.
Pour faire vivre son his­toire, Connor Sul­li­van ins­talle une gale­rie de per­son­nages dont nombre ont subi des trau­ma­tismes lors de séjours dans des pays en guerre. Il est de noto­riété que de nom­breuses per­sonnes qui ont servi dans des pays où la vio­lence attei­gnait des paroxysmes sont reve­nus avec des dom­mages psy­cho­lo­giques dont ils portent très long­temps des séquelles. C’est ainsi que l’héroïne, une femme au carac­tère affirmé, une guer­rière doit se res­sour­cer pour conti­nuer à vivre le plus serei­ne­ment possible.

Le roman­cier dépeint avec soin ces dif­fi­cul­tés, les reports d’affections, de sen­ti­ments. Avec Jim, il campe un homme qui, bien qu’ayant une forme phy­sique encore accep­table, souffre des pre­mières atteintes de la vieillesse. Il donne une belle évo­ca­tion des endroits sin­gu­liers de cet État et décrit avec soin tous les décors de son his­toire, ainsi que les rouages admi­nis­tra­tifs, poli­tiques, aux­quels il confronte ses pro­ta­go­nistes.
Avec une écri­ture inci­sive, un style enlevé, l’auteur offre un récit d’une grande inten­sité, fai­sant croître la ten­sion très vite tout en met­tant en place avec pré­ci­sion les élé­ments du drame.

Ce roman est paru aux USA en 2021 donc écrit avant l’invasion de l’Ukraine. Mais il dépeint la fri­lo­sité du Pré­sident des Etats-Unis face à la Rus­sie. Alors que des agents russes se déploient sans rete­nue dans l’état de l’Alaska, il hésite à faire inter­ve­nir un com­mando pour contrer une action ter­ro­riste.
Une carte per­met de visua­li­ser quelques points de repères en Alaska.
Avec L’ours qui dort Connor Sul­li­van donne un livre au sujet addi­tif où l’intensité de l’intrigue ne se dément pas tout au long du récit. Un roman pas­sion­nant dont les prin­ci­paux pro­ta­go­nistes res­tent en mémoire.

Serge Per­raud